Le Local 144, au cœur de la naissance du syndicalisme en Amérique du Nord et au Québec
Nous l’oublions trop souvent, mais les métiers de la construction sont au cœur de la naissance du syndicalisme tant aux États-Unis, au Canada qu’au Québec. Ils ont milité pour obtenir notamment des horaires de travail décents, des salaires qui permettaient aux ouvriers de faire plus que de survivre, des chantiers, de l’équipement, des méthodes de travail plus sécuritaires…
Les tuyauteurs et les soudeurs en tuyauterie du Québec ont participé depuis les tous débuts à cette vaste mobilisation des forces ouvrières. Ces mots, peut-être issus d’une autre époque, illustrent bien la détermination des membres du Local 144 à défendre leur métier, leur intégrité et leur famille.
Aujourd’hui, les combats et les luttes ont changé, mais nous continuons à nous distinguer par notre volonté d’améliorer la pratique de nos métiers et les conditions pour les exercer.
L’histoire du Local 144 a été écrites par des hommes et maintenant par des femmes qui ont la passion de leur métier. Ils sont fiers de la partager avec vous.
Il faut attendre l’année 1827 pour voir apparaître les premiers regroupements de travailleurs. Ils ont pris naissance parmi les métiers de cordonnier et d’imprimeur de la ville de Québec. Peu après, durant la période 1830-1840, le mouvement syndical se renforce par la création d’organisations locales de métiers, notamment chez les charpentiers, les peintres et les tailleurs de pierres.
Dès 1834, on assiste à la première tentative de regroupement de plusieurs syndicats. Cet essai (Union des métiers de Montréal) ne dura qu’un an. Ces unions de métiers étaient certes fortement influencées par le régime syndical britannique. Cette situation, pour l’époque, n’était que normale, étant donné que le Canada était une colonie britannique et qu’en Angleterre le mouvement syndical connaissait un essor considérable à cause du développement hâtif du capitalisme industriel. Cependant, l’influence britannique s’estompa rapidement face à la poussée du syndicalisme américain.
Vers les années 1860, grâce au chemin de fer et à l’importation de la main-d’œuvre spécialisée en provenance particulièrement des États-Unis, le Québec assiste à un bon nombre d’affiliations aux unions américaines. Dans cette deuxième partie du 19e siècle, ce sont les unions américaines qui rencontrèrent le plus d’enthousiasme de la part des travailleurs québécois. L’argument des structures syndicales solides semble être le point déterminant de cette sympathie envers le modèle américain qui contrastait avec l’isolement des structures canadiennes de l’époque. Plus tard, certaines industries, telles que les chemins de fer, consolidèrent la position des unions locales au sein de structures nationales et amorcèrent ainsi la centralisation des structures syndicales québécoises et canadiennes. La recrudescence économique des années 1880 favorise beaucoup le développement des organisations syndicales. Au Canada, plus de 100 nouvelles unités locales canadiennes vinrent s’ajouter, de ce nombre, 19 se trouvaient au Québec. Cette époque vit aussi la renaissance des conseils locaux des métiers et du travail. Les principaux furent ceux de Toronto en 1881, London en 1883, Montréal en 1886 et Québec en 1889.
Cette émergence de conseils locaux favorisa en 1883 la naissance du « Canadian Labour Congress » formée par d’organismes ontariens seulement. Plus tard, en 1886, après la convocation du conseil de Toronto, le congrès forma le Conseil général des métiers et du travail du Canada, nom qui fut remplacé en 1892 pour celui de « Congrès des métiers et du travail du Canada » (C.M.T.C.).
Pendant ce temps naissait aux États-Unis, en 1886, la puissante Fédération américaine du travail (F.A.T.). À cause de la volonté d’organisation et de domination qui animait la F.A.T., le Québec assiste vers 1890 à un maraudage systématique des effectifs syndicaux de la province à l’intérieur du C.M.T.C.
Le 11 octobre 1889, à Washington, D.C., Patrick J. Quinlan (premier président du U.A.) déclarait : « Les aspirations de notre association seront de construire une organisation qui devra défendre les intérêts de tous nos membres et être un monument digne des unions ainsi affiliées », par ces paroles était adoptée la Constitution de l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de l’ajustage de la tuyauterie des États-Unis et du Canada. Cette nouvelle association s’affiliait à la puissante Fédération américaine du travail.
Au Québec, dans les années suivantes, un groupe de plombiers tente de s’organiser en syndicat. Ils le font dans l’ombre. Ils ont un engouement tout particulier pour le modèle américain. En effet, l’attrait des structures syndicales solides semblait être le point déterminant de cette sympathie envers l’union américaine qui contrastait avec l’isolement des structures canadiennes de cette époque. Ajoutons à cela que la tradition du compagnonnage bien implantée dans les métiers de la construction au Québec a favorisé le désir de s’affilier aux unions internationales qui s’inspiraient aussi de ce modèle.
Cette démarche d’un certain Andrew Hall et de ses compères se faisait dans l’illégalité, car au Canada à cette époque, le fait de se réunir dans le but de faire de l’organisation collective était considéré comme étant un acte illégal et constituait une violation au sens du Code criminel.
Après de nombreuses rencontres du comité de formation favorable à l’organisation de tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie, Andrew Hall et son groupe déposaient à Washington une demande de charte afin de s’affilier à l’Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de l’ajustage de la tuyauterie des États-Unis et du Canada. Suite à cette demande, Washington se prononça en faveur et octroya au Comité une charte entrant en vigueur le 22 septembre 1898 et portant le nom d’Association unie – Local 144.
Quelle consécration pour ces hommes qui durent travailler pendant de nombreuses années à l’obtention de cette charte et à l’implantation d’un syndicat qui défendra nos métiers. Dès lors débute une longue ascension qui sera marquée par plus de 125 ans d’histoire.
Un militant d’exception : le confrère Alphonse Verville
Les livres d’histoire attribuent à Alphonse Verville une large participation dans la fondation du Local 144. Né à Montréal en 1864, il devient apprenti plombier à 14 ans. En 1883, fier de son titre de compagnon, il s’exile aux États-Unis, dans la région de Chicago, où il finira contremaître. Il devient alors membre du UA et s’intéresse au mouvement syndical. De retour au Québec, il s’impliquera dans la création du Local 144. Il en aurait été l’un des premiers présidents et l’un des premiers agents d’affaires avec un certain Billy Hudson. Il a occupé plusieurs fonctions syndicales au sein du Conseil des métiers et du travail de Montréal, il fut également organisateur pour le UA. En 1903, il est élu vice-président du comité exécutif de la province de Québec du Congrès des métiers et du travail du Canada. En 1906, il sera élu député dans Maisonneuve au gouvernement fédéral. Il sera réélu en 1908, en 1911 et en 1917 dans Saint-Denis. Il consacrera ses énergies parlementaires à défendre principalement l’obtention d’une journée normale de travail de 8 heures. (1)
(1) Éric Leroux, « VERVILLE, ALPHONSE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 oct. 2022, http://www.biographi.ca/fr/bio/verville_alphonse_15F.html.
Dès 1902, les unions internationales furent suffisamment fortes à l’intérieur du C.M.T.C. qu’elles en firent expulser les Chevaliers du travail. La raison fondamentale de cette expulsion reposait sur les juridictions de métier, car l’idéologie des propagandistes du syndicalisme international d’époque reposait essentiellement sur le monopole et l’exclusivité de juridiction : « un seul syndicat par métier ».La poussée des unions internationales au début du siècle rencontra plusieurs obstacles, principalement celle du clergé québécois qui amorça une action systématique dans le but de promouvoir la conscientisation de l’élite ouvrière québécoise envers la question des syndicats catholiques. L’interventionnisme du clergé québécois donna naissance en 1921 à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (C.T.C.C.) qui sera dotée d’une étiquette de syndicat peu combatif, d’ailleurs selon les statistiques du ministère du Travail de l’époque, sur les 507 grèves recensées, 498 impliquaient les syndicats internationaux et 9 impliquaient des syndicats catholiques.
Déjà les travailleurs de la construction se distinguent par leur militantisme. Entre 1900 et 1914, le quart des arrêts de travail se déroule dans ce secteur. L’affiliation du Local 144 aux unions internationales l’aidera à défrayer les coûts engendrés par son leadership syndical. En 1904, il reçoit du UA 3000 $ à l’occasion d’une grève, les locaux de Boston, Rochester, Pittsburgh, Baltimore… envoient aussi des dons pour un montant de 1000 $ afin de soutenir cette lutte.
Pendant ces années, le Local 144 commence à façonner les conditions de travail de nos métiers. Il doit cependant rivaliser avec l’Association catholique des plombiers syndiqués qui négocie des conditions de travail inférieures à celles réclamées par le Local 144. À l’époque, plusieurs ententes sont possibles avec différents groupes, pour différents employeurs. Par exemple, en 1920 (1), le Local 144 demande à l’Association des maîtres-plombiers:
- Un taux de salaire de 1 $ l’heure, majoré de 100 % (temps double) lors des heures supplémentaires.
- Journée normale de 8 heures, semaine de travail de 44 heures (4 journées de 8 heures du lundi au vendredi et une journée de 4 heures le samedi matin)
- Réglementation du travail des apprentis
- Reconnaissance de l’atelier fermé pour éviter la concurrence déloyale entre travailleurs syndiqués et non syndiqués au sein d’une même entreprise. (L’atelier fermé est l’obligation pour tous les employés d’être syndiqué avec le Local 144. Le placement est fait par le Local.)
Pendant ce temps, l’Association catholique des plombiers syndiqués a une entente avec l’Association des maîtres-plombiers qui stipule que les ouvriers sont rémunérés selon leur valeur et leur expérience avec un salaire maximum de soixante-quinze sous. Le travail supplémentaire est rémunéré à 150 %. La question des heures de travail doit être réglée par le patron.
Il faudra attendre 1934 avant que la Loi des décrets permette une négociation multisectorielle et multimétier et favorise une certaine harmonisation des conditions de travail. (2)
Les années d’Avant-guerre ont été très difficiles pour les travailleurs qui peinaient à récupérer les pertes subies lors du crash de 1929 et de la grande dépression que s’en ait suivie. En 1937, le Monde ouvrier rapportait que le salaire des membres du Local 144 était tombé sous les 0,50 $ l’heure, alors qu’il était de 0,90 $ l’heure avant les années 30.
(1) Source : journal Le Canada, 8 juillet 1920
(2) Delagrave Louis, Jean-Luc Pilon, Histoire des relations du travail dans l’industrie de la construction au Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009
Après la Deuxième Guerre mondiale, les syndicats internationaux continuèrent à s’impliquer dans des conflits très spectaculaires comme ceux de Dominion Textile à Salaberry-de-Valleyfield et d’Ayers, à Lachute en 1947. Le Local 144 ne sera pas en reste, une grève sera alors déclenchée pour améliorer les salaires dans nos métiers. Les membres du Local 144 gagnent 1,15 $ l’heure, ils en réclament 1,48 $.
Des conventions collectives commencent à être signées en vertu de la Loi de la convention collective. En 1948, le Local 144 est partie prenante dans une convention qui fixait les conditions de travail de plusieurs métiers sur l’île de Montréal dans un rayon de 15 milles, y incluant Salaberry-de-Valleyfield. Un peu comme nous le voyons aujourd’hui, le Local 144 négociait les conditions de travail pour nos métiers et le Conseil des syndicats des métiers de la construction (ancêtre du Conseil provincial International) coordonnait le tout. Ces négociations allaient jusqu’à inclure les plombiers, les poseurs d’appareils de chauffage et les mécaniciens en tuyauterie qui étaient préposés à l’entretien des immeubles et bâtisses. Leur taux de salaire était alors de 40 $ par semaine, alors que dans la construction, le taux était de 1,40 $ l’heure.
Les années 1950 seront marquées par la fusion de grandes centrales syndicales, les unions internationales refaisaient leur unité organique, la fusion des deux grandes centrales américaines en décembre 1955 donna naissance à un organisme unique, la F.A.T.-C.O.I.
Au Canada, la réunification des organisations parentes se produisit en 1956 alors qu’un congrès conjoint du C.M.T.C. et du C.C.T. donna naissance au nouveau Congrès du travail du Canada C.T.C.
En 1954, les membres du Local 144 feront une autre grève qui durera cette fois-ci près de deux mois. Le premier ministre Maurice Duplessis interviendra directement pour régler le conflit. À cette occasion, ils obtiendront une augmentation de salaire de 0,12 $ répartie sur une année. Le salaire passe à 2,12 $. Le Local 144 a déjà acquis une réputation de leader. La Corporation des entrepreneurs en plomberie et chauffage va même jusqu’à accuser le Local 144 d’être infiltré par des communistes. Rappelons que c’était l’époque du maccarthysme aux États-Unis où la chasse aux communistes faisait rage. Des millions d’Américains ont été soumis à des enquêtes judiciaires et policières. Cette frénésie a eu des répercussions jusque chez nous.
Au Québec, le nouveau Congrès du travail du Canada C.T.C. entraîna la création de la Fédération des travailleurs du Québec F.T.Q. et la Confédération des travailleurs catholiques du Canada acheva sa déconfessionnalisation en changeant son nom pour celui de Confédération des syndicats nationaux C.S.N. Nous étions prêts pour la Révolution tranquille.
Les années 1960 seront déterminantes pour l’Association Unie – Local 144 et plus souvent qu’à son tour, elle fera la manchette des journaux.
En 1961, une grève éclate dans la région de Montréal, les chantiers de la place Ville-Marie, de l’hôpital Saint-Luc, de l’hôpital St-Jean-de-Dieu… sont arrêtés. L’enjeu n’est pas tant le salaire que la sécurité d’emploi. Les travailleurs syndiqués se butent à la concurrence déloyale de la part de travailleurs qui ne le sont pas.
En 1963, après des élections, le Local 144 se dote du premier gérant d’affaires de son histoire, à savoir André Desjardins (le roi de la construction). Il faut comprendre qu’à ce moment le secteur de la construction est toujours assujetti à la Loi des décrets de convention collective puis au Code du travail. On constate plusieurs différences marquées à l’intérieur des 15 décrets régionaux et à cela, il faut ajouter le système d’accréditation par chantier, qui permet la signature d’une convention collective avec une association reconnue détenant un monopole syndical. Les années 1967 marquent l’émergence de grands chantiers de construction sur la Côte-Nord. Le système des relations de travail de l’époque avait comme conséquence de freiner la mobilité de la main-d’œuvre, ainsi que de brimer la liberté syndicale. C’est dans ce contexte qu’au cours de l’été 1968, on assiste à des batailles entre des membres de la F.T.Q. et des membres de la C.S.N. pour travailler dans des chantiers importants sur la Côte-Nord.
C’est dans ce climat que le 18 décembre 1968, le gouvernement dote l’industrie de la construction d’une loi autonome à savoir la Loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction, dont les principales caractéristiques consistaient à rendre l’adhésion syndicale obligatoire et étendre toutes les clauses de la convention collective à l’ensemble de l’industrie de la construction.
Cette syndicalisation obligatoire amènera une augmentation importante du nombre de nouveaux membres au début des années 1970 ce qui favorisera le développement d’un militantisme remarquable au sein du Local 144. Il va acquérir une réputation d’être le syndicat le plus revendicateur de l’industrie de la construction. Il réclamera une retraite décente, des assurances convenables, une sécurité d’emploi, le respect des juridictions de métier, une amélioration des règles de santé-sécurité, des frais de déplacement, une meilleure indemnisation des accidentés du travail, etc.
En 1970, le Local 144 initiera un mouvement de grève qui s’étendra à l’ensemble de l’industrie de la construction.
En 1974, après le saccage de la Baie James, le gouvernement du Québec crée la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction au Québec (Commission Cliche). Les résultats de cette enquête viendront changer notre syndicat.
En 1975, même si la Commission Cliche n’a pas été capable de prouver quoi que ce soit contre le Local 144, le gouvernement a mis en application, en mai 1975, certaines recommandations, dont notre mise en tutelle. L’histoire nous révèle que le militantisme incroyable et la force syndicale que représentait alors le Local 144 ont amené le gouvernement de l’époque à vouloir y mettre un frein en choisissant cette option draconienne.
C’est donc en 1975, par la Loi sur la mise en tutelle que le gouvernement mettait officiellement le Local 144 en tutelle, celle-ci devait se terminer au plus tard le 22 mai 1978. Cependant, en 1977, le gouvernement adoptait une nouvelle loi qui déterminait qu’il n’existait plus de date fixe indiquant la fin de la tutelle au Local 144.
Les années 1975 à 1986 seront pour le Local 144 les années les plus difficiles et les plus sombres de son histoire. À cause de la volonté du gouvernement et des représentants de la tutelle qui se donneront tous les pouvoirs afin de réduire au maximum le militantisme des membres du Local 144, de numéro un qu’il était en 1970, le Local 144 deviendra un syndicat sans vie, non revendicateur et sans représentation structurée. Il faudra attendre l’année 1986 afin d’assister à la renaissance du Local 144.
Au même moment, à la suite d’une division au sein du Conseil provincial des métiers de la construction, la FTQ-Construction est créée en 1980. Elle met alors sur pied le Local 618 pour accueillir les tuyauteurs qui souhaitent rompre leurs liens avec le Local 144 et le UA. Plusieurs membres du Local 144 se laisseront temporairement tenter, mais amers de leur expérience, beaucoup reviendront en 1983.
En 1981, les chantiers de pipeline sont perturbés. Les tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie réclament la parité avec les conditions de travail en vigueur dans les autres provinces canadiennes. Le conflit se terminera avec des hausses de salaire de 2$ l’heure.
Avril 1986, une élection a lieu au Local 144. Gérard Cyr et son équipe seront élus à sa direction, mais toujours en présence d’une tutelle et sans date fixe prévue pour la levée de la tutelle. La nouvelle équipe syndicale devra travailler d’arrache-pied jusqu’en décembre 1986, avant d’obtenir au grand soulagement de tous ses membres, une levée officielle et définitive de la tutelle du Local 144.
En janvier 1987 débute alors la reconstruction du Local 144, un vrai travail de bâtisseur sera nécessaire afin de faire renaître ce militantisme si extraordinaire qui avait marqué notre histoire.
Dès l’automne 1987, une première grande mission se présente à l’équipe: le rapatriement des membres qui ont quitté le Local 144 durant l’ère de la tutelle. Le vote d’adhésion de 1987 devenait crucial afin de définir la continuité ou non de notre syndicat. Il fut l’une des étapes les plus importantes dans cette phase de reconstruction. Nous avions besoin de ramener les ex-membres. Plus de 1200 ex-membres ont choisi de le faire.
Après ce succès, plusieurs pensaient que le Local 144 avait repris sa place de grand syndicat revendicateur, mais une autre grande mission nous attendait, à savoir notre santé financière. En 1986, nous étions pratiquement en faillite. Le retour en force d’une administration très serrée a fait que dès 1990, nous avons renoué avec une situation financière saine qui nous permettait à nouveau de remplir notre rôle auprès de nos membres. C’est dans cette optique que le 15 décembre 1991, le Local 144 se dotait de nouveaux locaux et en devenait propriétaire.
Depuis, les votes d’adhésion syndicale ne feront que confirmer que le Local 144 réunit la plupart des tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie au Québec.
À la fin des années 80, le Local 144 reprend peu à peu le rôle de chef de file qu’il a joué pendant longtemps dans l’industrie de la construction. Les officiers ont compris très tôt que le développement du Local 144 devait se faire non pas contre leurs autres confrères de l’industrie de la construction, mais avec eux. C’est pour cette raison que nous avons cherché à jouer un rôle de premier plan sur toutes les instances qui se préoccupent de l’industrie de la construction au Québec.
Conseil d’administration et autres comités de la CCQ, comité de direction du Conseil provincial (International), comité de promotion de la santé, comités de gestion des écoles de métiers, sous-comités professionnels, santé-sécurité, comités de négociations des conventions collectives…, bref toutes les opportunités sont saisies par le Local 144 afin de permettre aux tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie de participer aux décisions qui les affecteront sur les chantiers. Le Local 144 s’implique également de plus en plus au sein de l’Association Unie –UA, son association internationale afin d’améliorer la mobilité de ses membres sur les chantiers syndiqués situés un peu partout au Canada.
Nous sommes de tous les dossiers importants dont la restructuration et la renaissance du Conseil provincial (International) à la suite de la dissolution du Conseil conjoint en décembre 2005. Nous avons aussi été l’un des maîtres d’œuvre de la création d’une Alliance syndicale qui a donné un nouveau ton aux pourparlers lors du renouvellement des conventions collectives.
De 2012 à 2015, la Commission Charbonneau mettra en lumière la nécessité de moderniser la gestion des syndicats. Le Local 144 en prend bonne note. Une véritable révolution viendra changer nos façons de faire pour permettre au Local 144 d’entrer dans le XXIe siècle.
Tout y passera : adoption d’un code d’éthique, nouveaux statuts et règlements, informatisation, utilisation de la technologie, modernisation des installations, simplification des règles pour les membres, mesures pour favoriser leur implication, création d’un fonds de grève, réduction de la cotisation syndicale, nouvelle image, utilisation des médias sociaux, mise en place d’un plan pour assurer une relève harmonieuse au sein de l’équipe syndicale… C’est le début d’un changement profond qui permet au Local 144 de renouer avec les valeurs mises de l’avant par ceux qui ont créé notre syndicat en 1898.
Le Local 144 s’impliquera dans les négociations de 2013-2014 pour le renouvellement des conventions collectives. Les discussions seront difficiles et entraîneront une grève de deux semaines sur les chantiers du Québec. Malgré tout, les salaires et conditions de travail sont améliorés. Le salaire du tuyauteur passe de 34,79 $ à 37,99 $ à la fin des conventions en 2017. Reste que les relations avec les parties patronales sont ardues et le demeurent aujourd’hui.
En 2016, le Local met en place un plan pour moderniser son siège social et doter les membres d’un Centre de formation, comme cela est la norme ailleurs au Canada et aux États-Unis pour les membres du UA. Il s’agira d’un vaste chantier d’une durée de trois ans qui nécessitera un investissement important de la part des membres du Local 144, mais qui permettra à notre syndicat et à nos membres d’atteindre un haut niveau d’excellence.
La modernisation du Local 144 fait en sorte que les membres du Local 825, qui représente nos métiers en Estrie, décident en janvier 2018 de fusionner avec le Local 144. Pour eux, notre nouvelle vision en est une d’avenir. Un premier pas vient d’être franchi pour regrouper tous nos métiers au sein d’une seule et même section locale. En 2020, les membres du Local 500 dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord prendront cette même décision. Dorénavant, le Local 144 représentera les tuyauteurs et les soudeurs en tuyauterie dans toutes les régions du Québec, à l’exception des travailleurs de la région d’Ottawa-Hull réunis au sein du Local 71 du UA.
En 2017, les conventions collectives viennent à échéance, nouvelles rondes de négociations, nouvelle grève. La rémunération des heures supplémentaires, les horaires de travail et la mobilité de la main-d’œuvre sont au cœur du litige. Le gouvernement interviendra rapidement en adoptant une loi spéciale pour forcer le retour au travail. Il donne aussi un mandat à un conseil d’arbitrage afin de fixer les conditions salariales. Aucune autre disposition ne sera bonifiée.
Une nouvelle ronde de négociations se déroulera dans l’industrie de la construction en 2020. Le Local 144 y sera encore une fois très impliqué, particulièrement dans les secteurs institutionnel-commercial, résidentiel et dans les avantages sociaux. Mis à part les gains obtenus pour le financement de ceux-ci, le résultat sera décevant pour le Local 144. Les conditions de travail seront pratiquement les mêmes que celles en vigueur en 2014. Voilà où nous en sommes rendus.
Machinerie de production et ateliers
De toutes les époques, le Local 144 s’est préoccupé des tuyauteurs et soudeurs en tuyauterie qui exécutaient des travaux hors construction. Ainsi, il a développé un service d’accréditations pour représenter les salariés des métiers de la tuyauterie travaillant en atelier. Nous nous sommes aussi beaucoup impliqués dans la mise du pied en 2015 de l’Association des métiers mécaniques du Québec (AMMQ) pour accueillir ceux et celles qui effectuent des travaux reliés à la machinerie de production et des travaux hors construction et qui souhaitent se syndiquer.
L’entrée massive de nouveaux travailleurs dans nos métiers et dans l’industrie en général ainsi que le départ à la retraite des baby-boomers ont changé le visage du Local 144. Au cours des dernières années, nous avons eu à gérer cette transition. Notre objectif était de permettre aux plus jeunes de prendre leur place tout en respectant ceux qui ont bâti le Local 144.
Depuis 2013, beaucoup a été fait pour améliorer notre pratique syndicale où transparence, éthique et participation sont valorisées. Nos membres, jeunes et moins jeunes, nous ont soutenu dans cette nouvelle façon de faire les choses.
Cette unité est sans nul doute l’une des clés du succès du Local 144. Les officiers, nos représentants, notre personnel ne ménagent ni leur temps ni leurs talents pour notre section locale. Cet esprit anime aussi nos membres qui ont cette même passion. Tous ont ce souci d’être en action plutôt que de subir les événements. En 1898, c’était l’attitude des membres fondateurs du Local 144, c’est ce que nous faisons encore aujourd’hui et c’est encore ainsi que nous agirons demain.
Le Local 144 a toujours cherché à être propriétaire de ses bureaux. Le premier bureau dont nous avons retracé l’existence était situé au 909, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Il y était dans les années 1940.
Par la suite, il a occupé un édifice situé au 4540, rue Garnier, à Montréal. Le Conseil provincial (International) a d’ailleurs occupé ces bureaux après que le Local 144 ait déménagé au 7295, rue Lajeunesse, coin de Castelnau.
En 1991, le Local 144 fait construire un tout nouvel édifice, situé au 9735, boulevard Saint-Laurent.
À la fin de 2019, les membres du Local 144 se dotent d’un Centre de formation et d’un nouveau centre administratif, situés au 12 780, boulevard Industriel, à Montréal-Est. Ces constructions d’avant-garde ont reçu plusieurs prix pour leur qualité et le respect de l’environnement. Ils sont les premiers bâtiments industriels au Canada à avoir reçu une certification LEED v4 Platine du USGBC. Ils ont également obtenu les reconnaissances suivantes :
- Prix du Canadian Green Building Awards 2022 du SABMag dans la catégorie Prix commercial/industriel (grande taille).
- Lauréat Or dans la catégorie Bâtiment commercial et Lauréat Bronze dans la catégorie Prix spéciaux / Architecture + Changement climatique.
Au fil des années, le Local 144 a également maintenu des bureaux régionaux à Québec, Trois-Rivières, Jonquière et Sherbrooke. Il est propriétaire des édifices qui abritent ces bureaux, sauf à Trois-Rivières.
Le Local 144 s’est particulièrement distingué par son implication au niveau des avantages sociaux. À ce chapitre, il est probablement celui qui a le plus influencé le développement d’un régime d’assurance et de retraite.
Dès les années 60, le Local 144 milite pour la création d’un régime d’assurance et de retraite qui suivra le travailleur pendant toute sa carrière professionnelle, peu importe sa région et le nombre d’employeurs pour qui il travaillera. À l’époque, il s’agit d’une approche tout à fait novatrice dont l’un des principaux artisans sera le confrère Paul Lapointe du Local 144.
Pendant près de 60 ans, Paul sera de toutes les discussions pour faire en sorte que nos métiers et l’ensemble des travailleuses et travailleurs de la construction et leurs familles puissent bénéficier d’un régime d’assurance et de retraite qui pourra assurer leur sécurité financière.
Dans les années 80, il travaillera à doter nos métiers d’un deuxième compte de retraite pour pallier à l’insuffisance des rentes.
En 1996, il participe très activement à une refonte du régime d’assurance afin que les travailleurs puissent obtenir une protection selon le nombre d’heures travaillées sur les chantiers. Depuis, plus un travailleur enregistre des heures, meilleure est sa protection d’assurance. En mai 1997, il est à l’origine de la création d’un régime supplémentaire d’assurance pour les tuyauteurs et les soudeurs en tuyauterie (sauf ceux du secteur résidentiel) afin de leur procurer des bénéfices additionnels. Aujourd’hui, le régime des tuyauteurs est l’une des meilleures offres de l’industrie.
En 1998, il réclame la création d’une carte pour que les travailleurs puissent se procurer leurs médicaments sans avoir à en payer la totalité et par la suite à remplir une réclamation. Ce fut l’arrivée de la carte Médic-Construction. Depuis, ce mode de paiement a été étendu au paiement des soins dentaires, de la chambre d’hôpital en cas d’hospitalisation… En 2004, il sera celui qui contribuera à établir un plan de redressement pour le régime de retraite aux prises avec un déficit de 1,2 milliard $ tout en préservant les acquis des travailleurs. Plus récemment, il avait participé à la mise en place de nouvelles mesures permettant la retraite progressive. Bref, il a été de toutes les réformes et nous le considérons comme le père de nos régimes d’avantages sociaux. Décédé en 2021, le Local 144 a voulu honorer sa mémoire en baptisant la salle de réunion de son centre administratif: salle Paul Lapointe.